jeudi 5 août 2010

Jour 05 EP 03 La fin (des définitions) des communautés virtuelles.

Snow Cat par clickclique

La partie sur Les définitions des communautés virtuelles n’aura pas été une partie de plaisir ! Comment définir quelque chose qui est aussi changeant qu''une communauté virtuelle ? J’ai l’impression que des générations de chercheurs se sont cassé le nez sur la question … qui s’est éteinte au moment de la montée en puissance du Web 2.0. On peut penser que les chercheurs sont allés voir ailleurs, du coté des réseaux sociaux. Mais je crois aussi que les communautés telles qu’on les connaissait avec The Well, Usenet ou même simplement les listes de diffusion ont tout simplement disparu.

Les dispositifs que nous utilisons maintenant sont à la fois plus pervasifs et plus fragmentés. Il y avait “avant” le temps ou l’on était en ligne et le temps ou l’on faisait autre chose. Aujourd’hui nous sommes toujours connectés. Hier, nous appartenions a quelques dizaines de groupes. Aujourd’hui nous avons quelques centaines à quelques milliers d’amis sur différents sites de réseaux sociaux. La frontière du groupe a doublement explosé : par le dispositif et dans les représentations que l’on se faisait de la communauté.

Les chercheurs auront vu leur objet fondre comme neige au soleil en 10 ans !

 

Mais vous reprendrez bien encore un bout de thèse ?

 

Pluralité des définitions des communautés virtuelles

Howard Rheingold définissait les communautés virtuelles comme « des regroupements socioculturels qui émergent du réseau lorsqu’un nombre suffisant d’individus participent à ces discussions pendant assez de temps en y mettant assez de cœur pour que des réseaux de relation humaines se tissent au sein du cyberespace » [1]

Pour Bradford W. Hesse (1995), les communautés virtuelles sont des communautés exemptes des pesanteurs et des adhérences de l’espace et du temps ; les ordinateurs et les super autoroutes de l’information y remplacent les routes et les buildings. Ces communautés sont conçues pour gérer l’information plutôt que les biens et les personnes.

En 1997, les communautés virtuelles ont acquis suffisamment d’importance pour que l’on commence à en pressentir le poids économiques. Le propos de Hagel et Amstrong[2] est clair : il y a un gain net à faire sur Internet. Ils voient les communautés virtuelles moins comme des phénomènes sociaux que comme des opportunités commerciales. Les communautés virtuelles y sont définies comme des communautés établies dans des espaces générés par l’ordinateur (« computer-mediated-spaces »). Comme Howard Rheingold, Hagel et Amstromg ont participé à The Well mais ils en tirent des conclusions différentes. Même si elles manipulent de l’information, pour les auteurs, la principale caractéristique des communautés virtuelles est d’agréger des personnes. Elles permettent de rassembler des individus autour d’intérêts et d’expertises communs, d’expériences de vie, d’activités ludiques et de transactions commerciales.

Quentin Jones (1997) donne quatre conditions pour la formation des communautés virtuelles :“Pour qu’une cyber-place associée à un groupe Communication Médiatisée par Ordinateur puis être un une colonie virtuelle il est nécessaire qu’elle satisfasse quelques conditions minimales. Ce sont : (1) un niveau minimum d’interactivité ; (2) une variété de communicateurs; (3) un niveau minimum d’adhésion; et (4) un espace public virtuel dans lequel se produit un minimum d’interactions médiatisées par ordinateur. » Si la définition reste classique, Quentin Jones apporte deux nouvelles idées. La première est que les groupes en ligne et hors ligne sont constitués de groupes primaires et que l’interaction qui s’y produit est plus déterminante que le face-à-face. La seconde est que ces communautés en ligne sont autant de sites archéologiques qui peuvent être utilisés par la recherche puisque toute l’histoire du groupe s’y dépose.

Ho & al. (2000) mettent l’accent sur le fait qu’ « Une communauté virtuelle est un groupe de personnes dont les besoins et/ou intérêts sont en grande partie communiqués dans et médiatisés au travers d’interactions web comme par exemple avec un site web ».

Jones et Rafaeli (2000) parlent de « publics virtuels » afin d’éviter les confusions générées par l’expression « communauté virtuels » qui rend difficilement distinguable la communauté comme lieu, comme population ou comme type d’interactions. Ils définissent ces « publics virtuels » comme des « des espaces de discours médiatisés par l’ordinateur créés par différents technologies comme l’email, USENET, les forum web, l’IRC, les MUD etc. » Ces espaces sont « relativement transparents ou ouverts, ce qui permet à des groupes d’individus de participer et de contribuer à des interactions interpersonnelles médiatisées par ordinateur. »

Pour Vanessa Dirksen (2001), les communautés virtuelles naissent de la rencontre de communautés de pratiques et de technologies de l’information : « Nous soutenons qu’une communauté virtuelle est et devient ce que ses participants en perçoivent (interprétation) et comme ils l’utilisent en conséquence (pratiques) ». La technique, telle qu’elle la considère est une technique sociale : elle rend possible et transforme les conduites sociales des personnes engagées dans les communautés virtuelles.

Reprenant un nombre impressionnant de références, Lee & al (2003). retrouvent dans la forêt des définitions trois points communs : (1) les communautés virtuelles se développent sur l’Internet. (2) les TIC sont utilisées pour soutenir les activités des communautés virtuelle ; (3). Les communautés virtuelles sont liées aux interactions en ligne. Ils en tirent finalement la définition suivante : une communauté virtuelle est « un espace cybernétique dont le support repose sur une technologie de l'information basée sur des ordinateurs, centré sur la communication et l'interaction entre des participants qui engendrent des contenus contrôlés par eux-mêmes, avec pour conséquence de créer une relation entre eux » [3]

Constance Elise Porter (2004) définit réintroduit la dimension commerciale dans sa défintion des communautés virtuelles : « un ensemble d’individus ou de partenaires financiers qui interagissent autour d’un intérêt partagé, dans lequel l’interaction est au moins en partie supportée et/ou médiatisée par la technologie et guidée par des protocoles ou des normes »[4].

Avec Anita Blanchard (2004), les communautés virtuelles débordent de l’Internet. Si elle les définit comme « un groupe relativement stable de personnes qui interagissent via des communications médiatisées par ordinateur et qui ont développé un sens communautaire » elle précise que les interactions peuvent aussi se dérouler en face-à-face, téléphone ou courrier postal. Les Communications Médiatisées par Ordinateur créent des « espaces conceptuels » dans lesquels les personnes interagissent. L’identité de ces lieux en ligne est déterminée par trois séries de facteurs : 1. La densité des échanges créent des lieux du fait de l’intensité des interactions [5]. Plus celles-ci sont importantes, plus le lieu en ligne prend corps et vie. Les représentations des individus quand au fonctionnement des ordinateurs et des modalités d’accès à la communauté contribuent également à la fabrique d’un lieu en ligne puisque chacun peut se faire une représentation de l’endroit où il se trouve. Ces savoirs constituent un modèle commun utile à chaque individu pour se représenter les conduites des autres. Enfin, plus les commandes nécessaires pour accéder à la communauté sont complexes, plus le lieu en ligne se charge d’une coloration exotique, un peu comme les destinations éloignées nous paraissent exotiques


[1] Rheingold Howard, Communautés virtuelles (Addison-Wesley France, 1996) p. 5

[2] John Hagel III et Arthur G. Armstrong, Net Gain: Expanding Markets Through Virtual Communities (Harvard Business Press, 1997).

[3] 1. F S L Lee, D. Vogel, et M. Limayem, “Virtual Community Informatics: A Review and Research Agenda,” Journal of Information Technology and Application, no. 5: 47–61.

[4] Constance Elise Porter, “A Typology of Virtual Communities: A Multi-Disciplinary Foundation for Future Research,” http://jcmc.indiana.edu/vol10/issue1/porter.html.

[5] Anita Blanchard rejoint ici Howard Rheingold : « la communauté prend un sens défini et profond d’une place dans l’esprit des gens » (Rheingold, 1993a)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire